Je vous en ai déjà parlé, j’ai un bon karma. J’ai eu la chance inouïe de voyager partout dans le monde. La carte de mes voyages en témoigne. J’ai visité des endroits extraordinairement riches, comme le Vatican, et d’autres incroyablement démunis, comme la Bolivie. Alors, quand Yurdey, mon ami cubain, m’a proposé de l’accompagner à Cuba, dans un tout inclus, en tant que photographe, pour suivre son groupe d’étudiants de son école Idioma Sol dans leur voyage d’immersion en espagnol, je m’attendais à tout sauf à un choc culturel. J’en ai vu d’autres… Mais je dois avouer que je n’ai jamais vécu de choc aussi grand que celui-ci.
Je ne sais pas trop comment l’expliquer ni par où commencer pour vous expliquer mon choc, alors on va y aller par étapes…
Le choc de l’arrivée
Mon avion est arrivé à Cuba vers le 21h30. Une chose m’a immédiatement frappé en survolant Cuba : Y fait noir icitte! Après avoir survolé la Floride, le contraste est frappant : Soit que les Américains consomment leur électricité à outrance, soit Cuba, rationne la sienne. En fait, sûrement un peu des deux… À vrai dire, ça, je m’y attendais. C’est pareil dans tous les pays défavorisés. Ce n’était pas un vrai choc, mais plutôt un simple constat.
Le choc du portefeuille
Par chance, je voyage avec un Cubain sinon, je n’aurais probablement pas pensé à me trainer suffisamment d’argent pour la semaine… On est en 2016. Y’a des guichets automatiques partout maintenant. En arrivant à l’aéroport, aucun guichet en vue. Pas de banque non plus. Seul un bureau de change régi par le gouvernement nous permet de changer nos dollars en pesos convertibles (CUC). Pour un pays dont l’économie repose à 45% sur le tourisme, ça m’a semblé un peu étrange. Quand tu penses que j’ai déjà retiré de l’argent en pleine jungle amazonienne, c’est surprenant de penser qu’ici ça ne se fait pas.
Le choc du tout inclus
Je ne voyage jamais dans les tout inclus. Ça ne me ressemble pas beaucoup. Je préfère les endroits un peu plus «vrais». Je préfère les places publiques aux piscines de luxe. Je préfère manger dans la rue avec les locaux que de me faire préparer un repas qui ressemblera en tout point à ce que je mange chez nous. Mais puisque cette fois-ci j’accompagne un groupe, je suis, pour la première fois de ma vie, dans un hôtel 4 étoiles, tout inclus: le Memories Jibacoa.
Je me trouve vraiment chanceux d’être ici, mais en même temps, ce que je vois devant moi en ce moment, ce n’est pas Cuba. Lorsque j’ai finalement eu l’occasion de sortir de l’hôtel, je me suis senti vraiment mal de profiter de cette opulence auquel les Cubains n’ont pas accès. Je me sens mal d’être sur une plage, une des plus belles de la région, alors que les Cubains n’y sont pas les bienvenus. Je me sens mal d’avoir du bœuf dans mon assiette alors qu’aucun Cubain n’a accès à ça. Ici, ont dit à la population que ce n’est pas bon pour eux, que ça pourrait même les rendre malades… Une façon comme une autre de préserver la ressource pour les riches touristes et les dirigeants du pays.
Aujourd’hui, j’ai eu la chance d’être invité tour à tour dans deux maisons… Dans les deux cas, leur maison entière était plus petite que la chambre d’hôtel dont je dispose à moi tout seul. En fait, le lit king dans ma chambre, quoiqu’il m’ait fait bien plaisir quand je suis arrivé, me laisse maintenant un goût amer… Il est plus grand que le salon de Maria, chez qui j’ai été invité ce matin.
Le choc des politiques
La fameuse révolution cubaine… Ça, c’est le vrai choc. C’est le choc qui est à la base de tous les autres. Sans ce régime communiste et totalitaire qui est en place depuis 1959, les choses seraient bien différentes ici.
Je ne pourrai pas résumer ce que j’ai vu et entendu dans un court texte. C’est comme un énorme casse-tête et je ne dispose pas encore de tous les morceaux. Ça fait deux jours que je bombarde Yurdey de questions et que je digère ses réponses… Je n’aurais sans doute rien compris de ce système sans lui. Ici, on ne parle pas de politique. On ne pose pas ce genre de questions. La plupart des Cubains n’y répondront pas de toute façon. Pour essayer d’illustrer ça un peu, je vais vous raconter deux anecdotes que j’ai vécus aujourd’hui:
La visite de l’école
Cet avant-midi, Yurdey avait planifié de nous amener visiter une école primaire à Santa Cruz Del Norte. Nous étions tous au courant avant de partir et la plupart d’entre nous avions amené quelques petits cadeaux : des cahiers, des crayons à laisser sur place pour les remercier de nous accueillir.
Arrivé là-bas, un professeur nous laisse entrer. On se présente aux enfants de son groupe. Yurdey fait l’animation. Il est super bon, il arrive à tous les faire danser, tout le monde rigole un peu. Puis il leur explique que le groupe est là pour une immersion en espagnol et qu’on est là juste pour jaser avec eux, pour pratiquer la langue, connaître leur culture… Que de bonnes intentions. À ce moment-là, Yurdey a invité les enfants à nous poser des questions… La visite a fini drette là, bien sec. La directrice s’est empressée de nous demander de partir.
– Pas de questions.
Tout d’un coup qu’un enfant aurait pensé nous demander comment sont les écoles par chez nous!… Avant de sortir, on a quand même offert à la directrice de lui laisser le matériel scolaire qu’on avait trainé pour eux, et sa réponse a été très courte :
– No.
Pourquoi ? J’ai encore un peu de mal à comprendre… mais il semble que les années de brain wash ont eu leur effet. Ici, tout le monde est surveillé. Elle a peut-être eu peur des répercussions si ça devait se savoir qu’elle avait eu un échange avec des étrangers, avec des traitres à la révolution. Elle a peut-être eu peur qu’on fuck le brain wash qu’ils sont en train de faire sur la génération à venir. Elle n’a peut-être juste pas réfléchi non plus… Elle a juste agi comme elle été conditionné à le faire.
Le système de surveillance cubain
Je l’ai mentionné un peu plus haut, ici tout et tout le monde est surveillé, autant les communications par internet que les échanges sur la rue. Dans chaque quartier, un responsable est nommé, un comité est formé. On appelle ce comité le CDR (comité pour la défense de la révolution). Le président de chaque CDR organise des assemblés où tout le monde est convoqué. Dans ces assemblés, ils voient qui se présente, qui ne se présente pas, qui parle, qui s’implique, etc etc. Les informations sont reléguées à la municipalité, puis aux provinces et finalement au gouvernement national qui sait tout. C’est tout un système de commérage organisé qui encourage la dénonciation.
Aujourd’hui, lors de notre visite de Santa Cruz del Norte, nous étions accompagnés par un ami de Yurdey qui nous servait de guide. Le gars a fait une super bonne job. Normalement, je me serais fait un plaisir de le nommer et de le référer ici, mais étant donné ce que j’ai vu, je pense que c’est préférable de le protéger en ne le nommant pas. Je vais l’appeler Diego pour faciliter la lecture.
À un moment donné, Diego nous expliquait que la plage du village avait été détruite peu à peu parce que les gens ont été cherché le sable pour faire du ciment. Ici, c’est bien difficile de trouver des matériaux de construction. Il y a bien un magasin qui en vend dans le village, mais tout est hors de prix pour les Cubains, et même si tu trouves l’argent pour acheter ce dont tu as besoin, tu peux te faire dire que le matériel que tu veux n’est plus disponible… même si le magasin en est plein. Ce qui est là est réservé pour quelqu’un autre (tsé la corruption ce que ça fait?)… Diego nous expliquait qu’ici, on n’achète pas ce qu’on veut, on achète ce qu’on trouve.
Enfin, pour revenir à mon histoire, un vieux monsieur a entendu ce qui se racontait et il s’est invité dans la conversation pour contredire tout ce que Diego disait. J’assistais au choc des générations. Les générations plus vieilles sont encore convaincues que la révolution n’a eu que du bon, alors que les générations plus jeunes, comme la génération Y, commencent à penser que ça a surtout écrasé le peuple et multiplié les pauvres. L’échange a duré quelques minutes et le monsieur a continué son chemin après que Diego lui ait demandé avec quel argent on pouvait acheter des matériaux de construction? De l’argent, personne n’en a ici! Quelques minutes plus tard, une femme a fait la même chose… Elle est restée là quelques minutes à écouter avant de s’en mêler et de poursuivre son chemin elle aussi. En quittant ce petit bout de rue, Diego me fait remarquer un homme qui se trouve à quelques mètres derrière nous, accoté sur la balustrade :
– Tu vois le gars là-bas ?… il nous surveille lui aussi.
Pour moi, les vrais révolutionnaires ici ce ne sont pas les Castros, ce sont les gens comme Diego, qui parlent malgré la surveillance. J’espère bien qu’un jour on va les entendre crier ¡Viva la révolution!, et que cette fois-là, ce sera la leur.
– ¡Viva la révolution!
C’est vrai que l’on ne peut mesurer ça dans un tout inclus !
En fait, je pense que même en n’ayant pas été dans un tout inclus, j’aurais eu de la misère à tout comprendre… Cuba est vraiment un cas spécial. Voyager ici avec un ami Cubain est une chance incroyable.
Combien de temps es-tu reste a Cuba et a l’exterieur du 4**** ?
Je suis ici depuis 3 jours. J’ai passé une demi journée à Santa-Cruz del Norte et une journée à La Havane. La seul journée où je ne suis pas sortis de l’hôtel j’en ai profiter pour aller plonger et courir dans les environs, sur la plage et dans les rues autour l’hôtel.
Un choc . Troublant
Très troublant…